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En s’efforçant, dans un traité d’éducation fictive, de dégager une enfance essentielle, Rousseau travaille un aspect du programme philosophique qu’il poursuit inlassablement dans toute son œuvre. Son objet n’est pas tant d’exposer comment on devrait élever un enfant que de remonter, par des opérations d’extraction, à un point-origine qui révèle un élément premier, enfoui mais toujours actif, du principe humain : un état à la fois absolu et inachevé de la conscience qui se manifeste par l’absorbement en soi-même et où la jouissance de soi, pour être parfaite, règle sa liberté par la pure extériorité inerte des choses.
Sommaire
1 – L’enfance, une idée philosophique
2 – Une expérience fictive
Une insularité paradoxale
Une temporalité étirée : différer
3 – L’enfance comme état d’exemption
Une liberté de chosification
4 – L’amour de soi et le premier état de la conscience : l’intime conviction
5 – La « seconde naissance », défaire l’enfance
Références bibliographiques
Notes
« Mais quand je me figure un enfant de dix à douze ans, sain, vigoureux, bien formé pour son âge, il ne me fait pas naître une idée qui ne soit agréable, soit pour le présent, soit pour l’avenir: je le vois bouillant, vif, animé, sans souci rongeant, sans longue et pénible prévoyance, tout entier à son être actuel, et jouissant d’une plénitude de vie qui semble vouloir s’étendre hors de lui. » (Emile, début du Livre II)
« Je n’ai pas toujours eu le bonheur de vivre seul » (Lettre à Christophe de Beaumont)
Obtenu par dissolution purgative de la pourriture sociale qui gâte inévitablement tout enfant réel, plongé dans un tube de Newton où il prend sa gravité, l’enfant essentiel et général, petit prince charmant et effrayant, nous fait signe au loin de notre généalogie. Nous ne l’avons jamais rencontré, mais nous aimons supposer qu’il est au fond de nous-mêmes et le ressouvenir inventé que nous en forgeons le situe comme objet perdu – c’est sous un regard rétrospectif pourvoyeur de fictions poétiques qu’il nous instruit de quelques vérités.
Il s’agit, en un immense point d’orgue, de l’étudier en retardant le plus possible sa sortie de l’insularité philosophique où Rousseau l’isole pour mieux scruter l’oxymore d’un état moral antérieur à toute moralité. Cette fiction de laboratoire, souvent traversée d’apories, n’a que peu de chose à voir avec l’idée que les pédagogies dites « actives » de l’éveil se font aujourd’hui de l’enfant. Elle est aux yeux de Rousseau un opérateur d’éclairage philosophique sur la nature humaine, sur ce qui l’anime et qu’on ne cesse de trahir.
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