SIAM – Le Comité du Mont-louis – une longue histoire

HISTOIRE DU MONT-LOUIS

JEAN-JACQUES ROUSSEAU AU MONT-LOUIS

Jean-Jacques Rousseau s’installe au Mont-Louis avec sa compagne Thérèse en décembre 1757. Ils étaient arrivés à Montmorency l’année précédente, accueillis par Mme d’Epinay dans sa demeure de l’Ermitage. Les relations de Rousseau avec Mme d’Epinay se détériorant, Jean-Jacques est contraint de quitter l’Ermitage rapidement : il cherche un nouveau logement, proche, où il pourrait trouver le calme et le repos nécessaire à son travail. M. Mathas, procureur fiscal, lui propose le Mont-Louis, petite demeure rurale en assez mauvais état, pour un loyer modeste.

Jean-Jacques Rousseau doit faire effectuer des travaux pour consolider le plancher de sa chambre et pour mettre une porte à son « donjon », petite gloriette au fond du jardin qu’il utilise comme lieu de travail. Là, il achève La Nouvelle Héloïse et rédige La lettre à d’Alembert sur les spectaclesLes lettres à M. de MalesherbesL’Emile ou de l’éducation etLe Contrat social. La parution de l’Emile en 1762, condamné par le parlement de Paris, le force à quitter précipitamment le Mont-Louis pour fuir en Suisse.  

                                  NAISSANCE D’UN MUSEE


La présence de Jean-Jacques Rousseau à Montmorency, à partir de 1756, fait de ce petit bourg rural le but de promenade obligé de tous ceux qui tentent d’approcher le Citoyen de Genève. Presque chaque jour, le plus humble comme le plus prestigieux des visiteurs parcourt à pied, en  » guinguette  » ou en carrosse armorié les quatre lieues qui séparent Paris, cette ville de  » de bruit, de fumée et de boue », de la calme colline verdoyante aux rues pentues et sinueuses.

 

Le départ précipité du proscrit, le 9 juin 1762, transforme Montmorency en lieu de pèlerinage. Quatre sites, plus ou moins accessibles, s’offrent alors à ses admirateurs : le grand parc de Montmorency et ses deux châteaux – le petit et le grand – au pied de la collégiale, l’Ermitage, à l’écart du centre-bourg, le petit Mont-Louis, au cœur du village, la châtaigneraie, au flanc du coteau qui mène au plateau des Champeaux. Ces quatre sites vont connaître des fortunes diverses.

 

Après la destruction, en 1791, du petit château construit par Charles Le Brun dans lequel le maréchal de Luxembourg avait réservé un appartement à son protégé, et celle, en 1816, du grand château édifié par Pierre Crozat où l’auteur de la Nouvelle Héloïse se rendait chaque matin pour donner lecture de sa  » Julie  » à la maréchale, le grand parc, ce  » paradis terrestre « , sera démantelé en 1817.


Le sort de l’Ermitage, premier  » asile  » montmorencéen de l’exilé volontaire et haut lieu de  » l’excursion  » rousseauiste, n’est guère plus enviable : transformé et défiguré dans la première moitié du XIXe siècle, agrandi puis réduit à l’état de simple bungalow dans la seconde moitié du même siècle, il disparaît corps et biens en 1956. La châtaigneraie, théâtre des rencontres amoureuses du philosophe et de la dame d’Eaubonne, Sophie d’Houdetot, s’est réduite comme une peau de chagrin. S’étendant à l’origine sur  l’ensemble des coteaux qui dominent le bourg, elle abrita un lieu cher à l’amoureux passionné : le Mont Olympe. C’est à cet emplacement, lieu de rencontre de Sophie et de Rousseau qu’en 1791 est érigé le premier monument public en l’honneur du Montmorencéen le plus illustre. Disloqué sous la Restauration,   » ce monument […] de forme rustique [composé de] pierres brutes, arrangées sans ordre […] dans le milieu duquel est pratiqué un siège de gazon « , est remplacé en 1848 par un peuplier suisse, qui survivra jusqu’en 1978, perdant peu à peu sa signification emblématique. De l’ancien bois de châtaigniers il subsiste aujourd’hui, suspendu au-dessus du quartier de l’Ermitage, un petit pan de colline qui témoigne des promenades du Solitaire. Menacés à leur tour, ses arbres fiers et magnifiques résistent encore aux agressions urbaines.  

 

Reste le Mont-Louis. Difficile d’accès, peu visible de la rue derrière ses murs de chaux et l’enchevêtrement des maisons voisines, le refuge du grand homme demeure propriété privée et ne s’ouvre pas aux visiteurs. Pire, en 1865, l’humble maison rurale est agrandie par l’adjonction d’une excroissance qui la masque sur deux côtés. Ce que ne pouvaient deviner les contemporains de cette défiguration, c’est que, paradoxalement, elle allait sauver ce lieu de pèlerinage et qu’un siècle plus tard celui-ci se transformerait en  » lieu de mémoire « .

 

 UNE COLLECTION SANS MUSEE

C’est en voyant disparaître l’un après l’autre les vestiges d’un rousseauisme toujours ardent que les admirateurs du  » père de la liberté française » ont émis l’idée de créer un musée où seraient rassemblées  » dans un asile  » les quelques  » rares épaves que le temps a respectées « . L’occasion en est donnée en 1873 lorsque le maire de Montmorency, Emilien Rey de Foresta, entend parler d’une possible vente par un ancien propriétaire de l’Ermitage, Alphonse Huet, du mobilier que celui-ci avait fait authentifier en 1852 lors de son départ de Montmorency pour Paris. Ce mobilier réputé avoir été utilisé par Jean-Jacques Rousseau est cédé gratuitement par Alphonse Huet dans les termes suivants :

 » 1° la couche de Rousseau

2° la table sur laquelle il a écrit sa Nouvelle Héloïse

3° son baromètre

4° deux chiffonniers

5° une petite étagère

6° 2 bocaux cristal dont Rousseau abritait sa lumière,

pour pouvoir lire le soir dans le jardin

7° la couche de Thérèse « 


Malheureusement, les cruelles nécessités du moment dues aux séquelles de la guerre de 1870 et de l’occupation allemande qui s’ensuivit, grèvent encore les finances d’une commune aux revenus plus que modestes : elle ne peut se  » donner le luxe d’un monument [sic], si modeste qu’il puisse être.  » L’affaire en reste là pendant cinq ans.

LES PEREGRINATIONS D’UNE COLLECTION

Il faut attendre 1878 pour que, suite au décès d’Alphonse Huet, ses héritiers proposent à la ville de satisfaire aux dernières volontés du défunt. Emilien Rey de Foresta convainc son conseil municipal d’accepter le legs. Le 20 août, les meubles sont placés dans un  » petit cottage  » situé au milieu d’un terrain récemment acquis par la ville sur lequel cette dernière projette de construire des écoles et d’établir un jardin public. Malheureusement, l’abandon du projet initial entraîne la suppression du pavillon lors de la réalisation du groupe scolaire (« actuel groupe Pasteur ») entre 1882 et 1887.

 

Le legs Huet, enrichi de sculptures, d’ouvrages et d’estampes, est entreposé dans l’ancienne école de garçons située face à l’ancienne mairie actuellement connue sous le nom de Justice de paix où il restera jusqu’en 1891, date de la démolition du bâtiment et de l’agrandissement de la place de la Mairie.

 

Les collections sont reléguées rue Jean-Jacques Rousseau dans un petit pavillon de deux étages, non loin du musée actuel, dont le rez-de-chaussée sert de magasin à pétrole et d’entrepôt pour les ustensiles d’éclairage de la commune ! En 1898, prenant conscience du danger de cette situation, la municipalité décide de réaménager les lieux pour en faire un musée digne de ce nom. C’est ainsi qu’est officiellement créé le premier musée Jean-Jacques Rousseau.

LE PREMIER MUSEE

Le magasin à pétrole du rez-de-chaussée est supprimé et le bâtiment est entièrement rénové. Les abords sont convertis en un jardin  dans un coin duquel on plante un surgeon de l’acacia d’Eaubonne témoin des amours  de Rousseau et de Sophie, et en un musée lapidaire dont la pièce maîtresse est le fragment de buste de Rousseau découvert en 1896 dans le jardin de l’Ermitage. L’inauguration a lieu le 8 janvier 1899.

Au premier étage, on a installé le musée dont les collections sont divisées en deux sections : d’une part les documents concernant l’histoire de la ville et d’autre part les documents se rapportant à Rousseau.

La salle du second étage abrite la bibliothèque municipale. Le Musée Jean-Jacques Rousseau et la Bibliothèque municipale vécurent pendant huit ans une vie administrative commune.

Bien que restauré et débarrassé des impedimenta qui l’encombraient, le chalet dans lequel était installé le premier musée de la ville n’en demeurait pas moins  » rudimentaire « , étroit et humide, d’un accès peu satisfaisant malgré tous les efforts consentis pour en embellir l’entrée. Aussi, dès que la municipalité eut des vues sur le très bel hôtel particulier de la rue Saint-Jacques afin d’y établir la nouvelle mairie, Julien Ponsin, le conservateur du musée, obtient l’autorisation d’y transférer ses collections.

 LE DEUXIEME MUSEE

C’est au premier étage du nouvel hôtel de ville, dans deux salles étroites séparées par un couloir que sont redéployées, dès octobre 1906, les collections et matérialisées les deux sections du musée.

Dans la salle de droite, on installe les pièces du Musée Jean-Jacques Rousseau proprement dit. Selon les anciennes pratiques muséographiques, la totalité des documents iconographiques est exposée sur chacun des murs disponibles, y compris sur les portes dérobées !

La pièce de gauche est consacrée au Musée de Montmorency. L’histoire y est décrite en treize panneaux et quatre double vitrines selon une thématique très précise : d’une part l’ancien Montmorency, ses seigneurs successifs, et ses monuments, d’autre part le nouveau Montmorency et ses  » habitants célèbres  » parmi lesquels Grétry et les Polonais enterrés à Montmorency.

Inauguré le 7 octobre 1906, le musée reçoit les honneurs ministériels en la personne du sous-secrétaire d’Etat aux beaux-arts, M. Dujardin-Beaumetz, qui pour l’occasion offre à la ville deux tableaux. 

Cependant, la cohabitation entre musée et services municipaux devenant de plus en plus difficile par manque de place, il faut bien se résoudre à trouver un nouveau lieu d’accueil pour le musée de la ville. Telle est la mission que s’assigne René Chapuis, conservateur du musée de 1937 à 1958.

L’INSTALLATION DES COLLECTIONS AU MONT-LOUIS

Devant l’abandon du Mont-Louis par son dernier propriétaire en 1936, le maire de la ville, Roger Dupont aidé de René Chapuis décide son conseil municipal à acquérir la propriété.

Lors de l’acquisition en 1946, dans le but de mener à bien  » la restauration, l’aménagement, la conservation et la mise en valeur de la maison dite Le Mont-Louis « ,  le Comité du Mont-Louis et des amis de Jean-Jacques Rousseau est créé. A sa tête, deux noms prestigieux donnent une envergure nationale à l’entreprise : Louis de Talleyrand-Périgord (1867-1951), dernier duc de Montmorency, et Edouard Herriot (1872-1957), ancien président du Conseil et député-maire de Lyon.

Pour faire sortir de la ruine le Mont-Louis – la toiture s’est effondrée et le plancher de la chambre de Rousseau est à refaire complètement – quatre années seront nécessaires. L’appui de l’Etat français s’étant vite révélé insuffisant,  ces travaux considérables bénéficient de  l’aide généreuse de Genève, sans laquelle ils n’auraient jamais pu être menés à leur terme.

 

Le transfert des collections de la mairie au Mont-Louis commence le 31 mai 1950 mais l’inauguration officielle du troisième Musée Jean-Jacques Rousseau n’a lieu que le 9 juin 1952. A côté de la  » demeure de J.-J. Rousseau  » qui lui est entièrement dévolue, deux salles d’exposition ont été aménagées. L’une est consacrée aux seigneurs et à la ville de Montmorency,  l’autre à la période romantique  » si chère aux vieux montmorencéens « .

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