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Tout ce qui tient intimement à la nature humaine se ressemble d’un bout de l’univers à l’autre.
Pour les penseurs des Lumières, tous les hommes participent d’une même nature, l’histoire et la géographie suffisent pour expliquer les différences entre eux. La tradition du droit naturel enseigne qu‘ils possèdent certains droits en tant que membres de l’espèce (ce qu’on appellera à la fin du siècle les « droits de l’homme »). Le bien et le juste, valeurs strictement humaines, se trouvent eux aussi fondés dans l’universalité et l’égalité.

On découvre en même temps l’histoire : le passé n’est plus une incarnation de l’idéal ni un simple répertoire d’exemples, chaque époque historique possède sa cohérence et ses valeurs. La confrontation avec les autres incite à tourner un regard critique vers soi, les voyages imaginaires deviennent un moyen de découvrir ses propres tares.
L’ouverture aux autres n’est pourtant pas à l’abri des détournements : l’universalisme conduit parfois à l’ethnocentrisme, la reconnaissance des différences à un relativisme radical.
L’idée d’Europe
Après les coûteuses guerres de la fin du règne de Louis XIV, achevées avec les traités d’Utrecht, l’Europe aspire à retrouver une stabilité propice à la paix. Louis XV, sous l’influence de son précepteur et principal ministre, le cardinal de Fleury, qui meurt en 1743, est particulièrement soucieux de préserver cet équilibre, comme en témoigne sa renonciation aux conquêtes françaises lors de la paix d’Aix-la-Chapelle, qui clôt en 1748 la guerre de Succession d’Autriche.

Le XVIIIe siècle fourmille de voyages et de voyageurs qui accumulent les connaissances et les expériences, des jeunes aristocrates anglais sacrifiant à la tradition du « Grand tour » jusqu’aux explorateurs célèbres comme Cook, Bougainville ou Humboldt. Les voyages imaginaires, topos de la littérature utopique de l’époque, ne cherchent pas à épuiser, eux, l’inventaire du monde ; ils tournent vers le voyageur lui-même le bénéfice du voyage. Il en revient éclairé sur lui-même et sur ses origines.
La découverte de l’histoire
Le XVIIIe siècle renouvelle en profondeur la conception de l’histoire. Sans que l’on puisse identifier une philosophie de l’histoire constituée en tant que telle, les interrogations portées par la modernité scientifique fournissent un cadre inédit pour penser l’inscription dans le temps. Jusqu’alors, l’histoire avait été marquée par la vision antique d’un temps cyclique ou par la conception chrétienne d’un temps articulé sur la Révélation, développée notamment par Bossuet dans son Discours sur l’histoire universelle. Les savants du Siècle des lumières qui accumulent les connaissances, développent de nouvelles disciplines et améliorent les méthodes d’appréhension de la réalité font naître alors l’idée que cette augmentation des savoirs constitue une progression, un progrès. C’est le concept clé des Lumières, qui vont ainsi opposer à l’ordre fixe des perfections celui, changeant, de la perfectibilité.
L’Europe et les Lumières
« Il n’y a plus aujourd’hui de Français, d’Allemands, d’Espagnols, d’Anglais même, quoi qu’on en dise ; il n’y a que des Européens. »
Pour les hommes éclairés du XVIIIe siècle, voyager et séjourner dans d’autres pays européens, proches et distincts à la fois, est une excellente école pour l’esprit : ils dépassent leurs propres limites par la confrontation. Le regard extérieur et désintéressé peut en effet conduire à un jugement plus lucide que celui du compatriote, facilement égaré par la routine et les circonstances. Des penseurs méprisés, voire persécutés chez eux, jouissent dans les contrées voisines d’une reconnaissance méritée. Les pays européens continuent de guerroyer entre eux, en s’infligeant des pertes douloureuses ; mais par-delà les conflits et les différences, ces pays partagent le même esprit des Lumières.

Sans les Lumières, pas d’Europe
Auparavant, l’identité du continent avait été pensée sur le mode de l’unité, celle de l’Empire romain, celle de la religion chrétienne. La nouveauté de l’Europe des Lumières réside dans le fait qu’à cette époque seront reconnues et valorisées les différences entre ses parties constitutives. L’Europe est le plus morcelé des continents, disait Hume ; c’est en cela que réside sa nouvelle unité et c’est pour cela qu’elle a pu engendrer les Lumières.
C’est aussi son actualité quand on s’interroge, de nos jours, sur l’identité de cette Europe où nous vivons. Correspond-elle seulement à un espace commercial arbitrairement délimité où les barrières douanières ont été baissées ? Ou porte-t-elle en plus une conception de l’homme et de la société, qu’elle voudrait affirmer face au monde ?
Source Bnf
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