Passez chez Jean-Jacques et Thérèse au musée Rousseau de Montmorency

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Pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, c’est l’occasion de visiter la dernière demeure du philosophe Jean-Jacques Rousseau à Montmorency (Val d’Oise)

La maison du Mont-Louis à Montmorency (Val d’Oise) a quelque peu changé depuis que le philosophe Jean-Jacques Rousseau y a séjourné de 1757 à 1762. Elle a été agrandie au XIXe siècle et permet aujourd’hui d’ accueillir un musée et une salle d’exposition. Le jardin est toujours constitué d’une allée de tilleuls et d’un cabinet de verdure qui existait au XVIIIe siècle. Il y a aussi le donjon, sorte de gloriette où le philosophe aimait s’isoler pour écrire.

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Lettre à Monsieur de Lastic

À Monsieur le comte de Lastic
Paris, le 20 décembre 1754

Rousseau par Allan Ramsay (Wikipédia)

Sans avoir, l’honneur, monsieur, d’être connu de vous, j’espère qu’ayant à vous offrir des excuses et de l’argent, ma lettre ne saurait être mal reçue.
J’apprends que Mademoiselle de Cléry a envoyé de Blois un panier à une bonne vieille femme, nommée madame Le Vasseur, et si pauvre qu’elle demeure chez moi ; que ce panier contenait, entre autres choses, un pot de vingt livres de beurre ; que le tout est parvenu, je ne sais comment, dans votre cuisine ; que la bonne vieille, l’ayant appris, a eu la simplicité de vous envoyer sa fille, avec la lettre d’avis, vous redemander son beurre, ou le prix qu’il a coûté ; et qu’après vous être moqué d’elle, selon l’usage, vous et madame votre épouse, vous avez, pour toute réponse, ordonné à vos gens (1) de la chasser.
J’ai tâché de consoler la bonne femme affligée, en lui expliquant les règles du grand monde et de la grande éducation ; je lui ai prouvé que ce ne serait pas la peine d’avoir des gens, s’ils ne servaient à chasser le pauvre quand il vient réclamer son bien ; et, en lui montrant combien justice et humanité sont des mots roturiers (2), je lui ai fait comprendre, à la fin, qu’elle est trop honorée qu’un comte ait mangé son beurre. Elle me charge donc, monsieur, de vous témoigner sa reconnaissance de l’honneur que vous lui avez fait, son regret de l’importunité (3)qu’elle vous a causée, et le désir qu’elle aurait que son beurre vous eût paru bon.
Que si, par hasard, il vous en a coûté quelque chose pour le port du paquet à elle adressée, elle offre de vous le rembourser, comme il est juste. Je n’attends là-dessus que vos ordres pour exécuter ses intentions,et vous supplie d’agréer les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, .. .

Chef d’œuvre de persiflage, cette lettre a souvent été citée et étudiée. Il faut cependant rappeler que cette madame Le Vasseur était en fait la mère de Marie-Thérèse, la jeune lingère avec qui Rousseau est en ménage depuis 1745, et qu’il épousera au civil en 1768.

Marie-Thérèse Levasseur, par BaaderMarie Thérèse Levasseur Veuve de Jean Jacques Rousseau
par  Johan Michael BAADER (1791)
Aquarelle et pierre noire sur papier
Musée Jean-Jacques Rousseau – Montmorency

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Jean-Jacques Rousseau : de l’errant infirme au géant de la littérature

13015124_jean-jacques-rosseau-water1   Il serait vain de chercher Jean-Jacques Rousseau en deçà de sa faiblesse, de ses défaillances, de sa maladie. La vie et l’œuvre de cet admirable écrivain, théoricien politique, réformateur social, philosophe, pédagogue, en portent la profonde empreinte.

2 « Je naquis infirme et malade ; je coûtais la vie à ma mère et ma naissance fut le premier de mes malheurs… J’étais né presque mourant ; on espérait peu de me conserver. J’apportai le germe d’une incommodité que les ans ont renforcée, et qui maintenant ne me donne quelquefois des relâches que pour me laisser souffrir plus cruellement d’une autre façon. Une sœur de mon père, fille aimable et sage, prit si grand soin de moi qu’elle me sauva [1][1]Les Confessions, Œuvres complètes, I, (1959), Paris, Gallimard,…. » C’est ainsi qu’il évoque sa venue au monde le 28 juin 1712 à Genève. Toute jeune encore, sa mère décède lors de l’accouchement. Son père, Isaac, horloger, homme très original, éduque Jean-Jacques et François, son aîné, dans une totale liberté. Mais, suite à son exil dans le canton de Vaud, à cause d’un violent conflit avec un compatriote influent, Jean-Jacques est confié à un pasteur, avant d’entrer en apprentissage chez un maître graveur, très brutal à son égard. À seize ans, ne supportant plus ces mauvais traitements, il s’enfuit, comme l’avait fait son frère, un an auparavant, dans des circonstances similaires.3 Suivons, sur les chemins de son handicap, ce persécuté migrateur, qui définit son existence comme la chaîne de ses malheurs. On y découvre que sa pathologie était plus sévère qu’on ne l’a dit et écrit.

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