Un Atelier de Philosophie Rousseauiste

Vie et mort des Républiques

La constitution des Républiques dans l’histoire des civilisations semble reproduire un schéma toujours à peu près identique, que l’on pourrait résumer de la façon suivante. A partir d’une société clanique ou féodale dans laquelle il n’y a guère de « chose publique », mais plutôt des pouvoirs personnels de chefs, de roitelets ou de seigneurs, la première étape essentielle consiste dans la création d’un pouvoir centralisé et dans l’institutionnalisation d’un État. Celui-ci n’est pas une grande seigneurie, et son chef n’est pas le propriétaire du pays comme un seigneur l’est de son fief; quand un État est institué, son dirigeant devient, pour ainsi dire, un fonctionnaire : l’homme qui remplit la fonction de gouverner. Comme pour toute institution, la fonction transcende les individus qui l’exercent – « le roi est mort, vive le roi ! » s’exclamait- on pour marquer la continuité de l’institution monarchique par-delà la discontinuité des monarques. Les institutions et administrations d’un État centralisé deviennent ainsi un “bien public” dans la mesure où elles n’appartiennent à personne en particulier. Il n’en demeure pas moins que, avant l’avènement d’un régime proprement républicain, ces institutions sont présidées par une classe noble privilégiée (identifiée à, associée à ou rivale d’une classe cléricale, elle aussi privilégiée) et, en ce sens, on peut dire que ce bien public n’est pas du tout public