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Jean Jacques Rousseau, lehautparleur, Lehautparleur.net, Montmorency, Nantes, Rousseau
Chaque lecteur développe un intérêt pour les lieux où a vécu un écrivain qu’il affectionne – en particulier si ses livres y font référence ou s’il y a produit son œuvre. On longera la mer avec Proust à Cabourg-Balbec, on fera le détour au «petit Liré» de Du Bellay ou on traquera le transfert freudien au Bergstrasse 19.
Ces maisons où souffle l’esprit, on les visite volontiers, elles donnent un supplément d’âme à ceux qui ne connaissent pas grand chose et un pincement de cœur aux savants. Mais à vrai dire elles occupent souvent une position périphérique par rapport à l’œuvre: du Bellay à Bordeaux, ou Freud à Salzbourg, on sent bien que cela n’aurait pas produit beaucoup de différences.
On opposera la fusion d’un Kafka avec Prague, mais n’est-ce pas une exception ?
Cette acception « touristique » des lieux on la retrouvera certes avec Rousseau: «Clarens, sweet Clarens», s’exclamait lord Byron, accouru dans les parages lémaniques à sa suite. L’immense succès touristique la Riviera vaudoise – souvent pour le pire malheureusement – est en partie dû à Rousseau et dans sa série sur les «Paysages suisses dans la littérature mondiale», le quotidien Le Temps n’était pas loin de mettre à son passif le Léman «bardé de villas luxueuses, borné d’immeubles en bord de lac, quadrillé de haies et de grilles sous la surveillance vigilante de Protectas, SL Sécurité ou Romande Energie» !
Pourtant la question des lieux chez Rousseau est bien plus complexe, elle occupe une place à part, presqu’unique dans la littérature mondiale : elle s’intègre dans la démarche toujours mouvante de la constitution du moi.
Dit autrement, chez Rousseau le sentiment de l’existence heureuse se développe par le débordement des forces vitales vers l’extérieur. C’est ce qu’il appelle l’ «expansion» : «elle étend pour ainsi dire notre être par toutes nos sensations» (dans le livre 2 des Confessions). Un lieu n’a donc pas une fonction extérieure au moi, décorative, il est la possibilité pour le soi de se trouver dans un univers qui ne lui est plus étranger.
J.B. Pontalis a finement décrit dans sa préface aux Confessions la tension qui anime l’ouvrage entre le resserrement dans le moi et l’accord avec le monde extérieur, donc avec soi. «Le moi chez Rousseau est un lieu non un agent ; il est espace plus que temps» poursuit-il. Les séjours ravissants des Charmettes, de l’Ermitage ou de l’île Saint-Pierre inscrivent la plénitude de l’individu Rousseau – «où je fus moi pleinement, sans mélange et sans obstacle» écrit-il dans la Dixième promenade.
L’attention extrême que les lecteurs de Rousseau portent aux lieux où il a vécu n’est pas due à la curiosité mais à la compréhension intime de son œuvre.
Rousseau était un grand marcheur et nous concevons notre approche des lieux rousseauistes comme de véritables excursions littéraires vivantes et non «le tour du propriétaire dans le jardin du passé» (expression de Jean Beaufret).
1. Des liens seront tissés – y compris via notre réseau international – avec toutes les institutions gérant le patrimoine rousseauiste : Les Charmettes (« Sans ce court mais précieux espace je serais resté peut-être incertain sur moi »), Genève (« Tu es genevois : tu verra un jour d’autres peuples ; mais quand tu voyagerais autant que ton père, tu ne trouveras jamais leur pareil »), Ermenonville, Môtiers, etc. Nous diffuserons régulièrement une information sur les événements organisés dans ces lieux de mémoire – en particulier les colloques.
2. Plus largement tous les endroits qui ont contribué à l’essor de l’œuvre seront pris en considération. Par exemple, l’ïle Saint-Pierre à B ienne occupe une place de choix dans le dernier Rousseau et il y consacre deux développements cruciaux dans les Confessions et les Rêveries.
Ne serait-il pas possible d’y rendre plus vivace sa présence ?
Source Clarens
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