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Depuis quelques années, trois procès sont faits à Voltaire. Des accusations à nuancer fortement.
Antisémite ? Certains passages de Voltaire sont aujourd’hui insoutenables, notamment quand il qualifie les Juifs de « peuple le plus abominable de la terre ». Ou quand il raconte que, dans l’Antiquité, c’était un clan de « voleurs vagabonds », qui « égorgeait sans pitié tous les habitants d’un malheureux petit pays sur lequel il n’avait pas plus de droit qu’il n’en a sur Paris et sur Londres ». Mais ces accents antijudaïques ne doivent pas être interprétés comme de l’antisémitisme. A travers ces charges outrancières, il vise en fait la religion catholique, dont le judaïsme est la source historique. « Il en veut aux juifs d’être à l’origine de ce tissu de mensonges qu’est selon lui la Bible », explique l’historien Pierre Milza, auteur d’une volumineuse biographie (Voltaire, éditions Perrin). Pour l’écrivain, les miracles de Moïse, comme ceux de Jésus, sont des fables de charlatan.
Mais à aucun moment il ne justifie les persécutions. Bien au contraire. Il ne cesse de dénoncer les pogroms, à commencer par la barbarie des croisades, quand 200 000 fanatiques catholiques traversèrent l’Europe, au Moyen Age, en exterminant des juifs. « Les chrétiens, croyant venger Dieu, firent main basse sur tous ces malheureux, déplore Voltaire. Il n’y eut jamais, depuis Hadrien, un si grand massacre de cette nation : ils furent égorgés à Verdun, à Spire, à Worms, à Cologne, à Mayence. Et plusieurs se tuèrent eux-mêmes, après avoir fendu le ventre à leur femme, pour ne pas tomber entre les mains de ces barbares. »
Islamophobe ? En 1742, Voltaire présente une pièce intitulée Le Fanatisme ou Mahomet le prophète. C’est un énorme succès. Sur scène, Mahomet ourdit la tentative d’assassinat de son principal rival en manipulant un jeune disciple. Un épisode inventé. Dans une lettre au roi de Prusse, Voltaire parle de Mahomet comme d’un homme « qui égorge les pères » et ravit « les filles ». C’est un « Tartuffe les armes à la main ». Le Coran ? Un « livre inintelligible, qui fait frémir le sens commun à chaque page ». On est loin des discours sur la tolérance…
Reste que, comme dans le cas des piques antijudaïques, Voltaire cible en filigrane les fanatiques catholiques. « L’islam n’intéressait personne à l’époque, c’était juste une façon de critiquer la religion catholique par des voies détournées », rappelle le spécialiste François Bessire. Et d’éviter la tatillonne censure.
Esclavagiste ? Voltaire a été accusé d’avoir amassé son immense fortune grâce à la traite négrière, qu’il fut pourtant l’un des premiers à dénoncer ouvertement. En réalité, aucun document ne permet de l’affirmer. « Il a fait des affaires avec des négociants, lesquels, de leur côté, ont pu faire du commerce lié à l’esclavage, explique un historien. Mais il n’a jamais été impliqué directement dans la traite négrière. » L’honneur est sauf.
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