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Dans son traité sur l’éducation, Emile ou de l’éducation (1762), Jean-Jacques ROUSSEAU s’est insurgé contre le fait de faire apprendre des fables aux enfants, dans la mesure où les animaux mis en scène dans les apologues célèbres incarnent souvent des vices qui leur permettent de s’en sortir ou de tromper leur cible. Aussi offrent-ils davantage des contre-modèles à éviter plutôt que des modèles à imiter…
Rousseau songe notamment au Loup exerçant cyniquement la loi du plus fort dans « Le Loup et l’Agneau », mais aussi à la Fourmi qui refuse tout secours à la Cigale, ou au Renard qui parvient à accaparer le fromage du Corbeau en le berçant d’illusions sur ses qualités vocales… Le Lion, bien sûr, représente très souvent la force et l’arbitraire, le pouvoir tyrannique, la violence de l’être tout-puissant, habitué à assouvir le moindre de ses caprices. L’enfant se familiariserait donc avec des comportements peu recommandables, voire nocifs pour ses congénères : il découvrirait le pouvoir du mensonge, de la flatterie, les techniques de la persuasion hypocrite, la victoire de la loi du plus fort, la faible propension des êtres à se montrer charitables ou soucieux de l’équité et de la justice sociale…
Logiquement, il ne cite que les fables qui lui permettent de soutenir sa thèse sur leur immoralité mais laisse de côté celles qui pourraient limiter sa démonstration ou infirmer ses arguments. C’est le cas notamment du « Lion s’en allant à la guerre » ou « les Membres et l’Estomac » qui délivrent une réflexion sereine sur le pouvoir royal et la sagesse du roi ou son rôle régulateur, moteur.
A propos de La Fontaine:
On fait apprendre les fables de la Fontaine à tous les enfants, et il n’y en a pas un seul qui les entende. Quand ils les entendraient, ce serait encore pis ; car la morale en est tellement mêlée et si disproportionnée à leur âge, qu’elle les porterait plus au vice qu’à la vertu. Ce sont encore là, direz-vous, des paradoxes. Soit ; mais voyons si ce sont des vérités.
Je dis qu’un enfant n’entend point les fables qu’on lui fait apprendre, parce que quelque effort qu’on fasse pour les rendre simples, l’instruction qu’on en veut tirer force d’y faire entrer des idées qu’il ne peut saisir, et que le tour même de la poésie, en les lui rendant plus faciles à retenir, les lui rend plus difficiles à concevoir, en sorte qu’on achète l’agrément aux dépens de la clarté. Sans citer cette multitude de fables qui n’ont rien d’intelligible ni d’utile pour les enfants, et qu’on leur fait indiscrètement apprendre avec les autres, parce qu’elles s’y trouvent mêlées, bornons-nous à celles que l’auteur semble avoir faites spécialement pour eux.
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