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Je rencontrai, depuis plusieurs années, à la bibliothèque, un vieil homme de mine peu opulente, mais qui avait attiré mon attention par la conscience qu’il apportait à ses recherches ; je l’avais vu également aux Archives nationales, à Carnavalet, à la préfecture de police, dans tous les endroits de Paris, enfin, où l’on ait chance de picorer les miettes de l’histoire, et nous avions été amenés peu à peu à échanger ,sans nous connaître autrement, quelques mots de politesse.
Un jour, l’ayant trouvé aux archives de l’Assistance publique, où s’entassent, depuis des siècles, les tragiques annales de la misère humaine, je lui demandai quel travail l’amenait, dans cet endroit inexploré.
– Je cherche, me dit-il simplement, les enfants de Jean-Jacques Rousseau.
Que de mots malveillants ont été versés sur la misère des cinq bébés oubliés aux Enfants-Trouvés.
Comme beaucoup de parents à l’époque, il les a confiés à l’institution – parce que « c’était pour leur bien »
tels des paquets enrubannés de satin carmin, tout en prenant la précaution, pour l’aîné d’entre eux, de lui donner son « chiffre » R, comme pour répondre à un éventuel remords tardif. Les autres nouveau-nés n’ont pas eu cette chance d’être éventuellement rattrapés du doigt par le revers de la brassière et extirpés de l’anonymat. Peu importe, la postérité n’a retenu le fabuleux destin d’aucun héritier de l’auteur, pas plus de celui estampillé du « R » de Rousseau qui ne fut le Roi d’aucun pays. Quoi qu’il en soit, … c’était une fille.
Méditons le point de vue de Victor Hugo qui, s’adressant à l’auteur, a déclaré que certes « vous aviez abandonné vos enfants mais que vous aviez adopté le Peuple et qu’à ce seul titre, ceci valait admiration ».
Aujourd’hui encore, d’aucuns remercient Voltaire d’avoir dénoncé « ces (ses) cinq crimes ». J’enrage à l’idée d’autant de ressentiment.