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Printemps 1762: la publication presque simultanée de l’Emile et du Contrat social avec le nom de l’auteur éclate comme un coup de foudre dans les grandes monarchies ainsi que dans les petites républiques de l’Europe. Entre les deux condamnations qui suivent, à Paris et à Genève, respectivement les 11 et 19 juin 1762, il s’introduit une coupure qui marque un tournant dans l’histoire des bûchers publiques. D’un côté, le procès devant la Haute Cour du Parlement de Paris à la suite de la dénonciation de l’Emile par l’archevêque et par la Faculté de Théologie de Paris, représente le dernier exemple de condamnation au bûcher d’un livre et d’un auteur particulier pour des crimes de religion. De l’autre côté, la condamnation du Contrat social par le Petit Conseil de Genève, obsédé par le cauchemar des assemblées des « cercles » radicaux avec leur « droit de représentation », constitue au niveau individuel le prototype des bûchers politiques collectifs du XXe siècle. Mais tandis que le feu inquisitoire pouvait éteindre facilement tout feu spirituel de libre penseur, le feu politique se retournera de façon inattendue contre soi-même, en suscitant les retours de flamme les plus violents.
- 1707 – Violente répression des agitations des cercles contre le gouvernement aristocratique du Petit Conseil de la République de Genève.
- 1712 – 28 juin: naissance de Jean-Jacques Rousseau à Genève. Octobre: interdiction par le Petit Conseil des assemblées du Conseil Général de la République de Genève.
- 1728 – 14 mars: Rousseau abandonne tout seul Genève. Accueilli à l’Hospice du Saint-Esprit à Turin, se convertit au catholicisme
- 1734-1738 – Nouvelles agitations des cercles à Genève. Edit final, dit « de médiation », par l’intervention de Zurich, de Berne et de la France. Aux assemblées périodiques du Conseil Général est reconnu le pouvoir de voter sur des proposions du gouvernement.
- 1754 – Rousseau revient à Genève, en y demeurant pendant quelques mois. Il rentre dans la foi calviniste et dans ses droits de citoyen de Genève.
- 1758 – Juillet: Rousseau publie la Lettre à d’Alembert sur les spectacles où il exalte les cercles
- 1762 – 9 juin: Paris, réquisitoire de Joly de Fleuri, Procureur Général de la Haute Cour du Parlement. Mandat de prise de corps contre Rousseau qui fuit en Suisse, à Yverdon, sur le lac de Genève.
- 11 juin: l’Emile est brûlé à Paris sur l’escalier de la Haute Cour du Parlement. A Genève le Petit Conseil ordonne la saisie de tous les exemplaires du Contrat social et de l’Emile.
- 18 juin: rapport de Bonnet au Petit Conseil sur le Contrat social e sur l’Emile.
- 19 juin: le Petit Conseil, ouïes les“Conclusions” du Procureur Général de la République de Genève, Jean-Robert Tronchin, condamne le Contrat social et l’Emile à être lacérés et brûlés par le bourreau. Il délibère aussi que, dans le cas que Rousseau se réfugie à Genève, il soit arrêté.
- 1er juillet: décret du gouvernement de Berne qui ordonne l’éloignement de Rousseau de son territoire (dont Yverdon faisait partie).
- 1763 – 12 mai: Rousseau renonce au droit de citoyenneté genevoise.
- 18 juin: dans l’anniversaire de la condamnation, première “représentation” en faveur de Rousseau de la part des cercles de Genève, qui touche des questions plus générales par référence au Contrat social (la source de toute légitimité est dans le Conseil Général, non pas dans le Petit Conseil), tandis qu’elle passe l’Emile sous silence.
- 20 août-23 septembre – Les représentants demandent l’assemblée du Conseil Général. La requête est refusée par le Petit Conseil.
- Septembre-octobre: le Procureur Général de la République de Genève, Jean-Robert Tronchin, publie contre Rousseau les Lettres écrites de la campagne.
- 1764 – 5-14 août: Rousseau rencontre en Savoie les membres des cercles de Genève et du “parti des représentants”.
- 18 décembre: les Lettres écrites de la montagne, publiées par Rousseau en réponse aux Lettres du Procureur Général Tronchin, arrivent à Genève. Il y soutient que les droits politiques des Genevois sont le véritable enjeu du conflit. Il demande le respect de l’édit de médiation de 1738, qui avait confirmé le droit de représentation et avait refusé le droit de veto au Petit Conseil.
- 1765-1768 – Effervescence et crise politique à Genève autour des revendications des partisans de Rousseau (illégitimité de la condamnation et division des pouvoirs du Petit Conseil). Compromis constitutionnel entre gouvernement et parti des « représentants ».
- 1770 – Revendication de la part des natifs (fils des simples habitants) d’un élargissement à leur faveur des droits politiques. Rousseau demande aux bourgeois de Genève de ne pas prendre, par rapport à ces revendications, des positions aristocratiques.
- 1782 – Le premier recueil “complet” des œuvres de Rousseau est publié à Genève. Coup d’Etat du Petit Conseil avec l’appui de la France. Fuite de Genève des figures les plus en vue du parti des « représentants ». A Paris ils contribuent à former l’« atelier » de Mirabeau.
- 1789 – L’« atelier » de Mirabeau exerce un rôle de premier plan dans la rédaction de la Déclaration des droits, et en particulier de ses parties les plus rousseauistes.
- 1792 – A Genève renversement du pouvoir du Petit Conseil. Annulation de la condamnation de Rousseau. Le droits politiques sont reconnus aux natifs.
A propos du feu chez Jean Jacques Rousseau qui vécut dans un chaudron
Car chaudron autour duquel on se rallia, fut bien attisé. J’ai encore en mémoire – l’année 53 – son image mise au feu par les musiciens de l’Opéra et juillet 76, l’embrasement, comme à la Saint-Jean, d’un mannequin de paille à son effigie, juste sous sa fenêtre à Paris. Et certains commentateurs ont encore l’affront d’évoquer la paranoïa de l’écrivain ? Mais qui sont donc ceux qui l’ont accompagné d’Ermenonville au Panthéon ? Ceux-là mêmes qui l’avaient incendié vingt ans plus tôt ou leurs enfants ? Sur ce seul point, Jean-Jacques Rousseau peut être fier d’avoir contribué à transformer les fils de ces pyromanes, en hommes du Peuple, citoyens responsables ayant su porter en eux le sens de la vérité,de la réhabilitation et préparer l’avènement de 89.
Nota : Rousseau n’attribua pas le nom d’ Emile à son traité de l’éducation, par hasard.
Emile, celui qui, dans l’adversité, ne céda jamais ni au désespoir, ni au découragement. Dieu en fit un Saint puisque face aux affres de la torture et du feu, il ne céda rien à sa détermination. C’est ainsi qu’il devint plus puissant que les flammes et peut-être a-t-il été le seul à pouvoir embrasser le feu.