Sapere aude ! Devise des Lumières ?

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S’il s’agit de défendre les Lumières contre toute forme d’obscurantisme, si la « liberté de parler et d’écrire » est menacée de censure religieuse ou politique, alors oui, Kant est aux côtés des Lumières.

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« Eppur si muove » (Et pourtant elle tourne)
Gravure  illustrant le propos attribué à Galilée après qu’il ait été forcé par l’Inquisition d’abjurer ses « erreurs et hérésies ».

L’obscurantisme, à la fois pratique et conviction politiques, consiste à dénier toute valeur aux connaissances et à l’esprit aventureux de la science et de la philosophie. Par les tribunaux de l’Inquisition, Giordano Bruno fut, à l’orée du XVIIe siècle, condamné au bûcher, Galilée cinquante ans plus tard à de longues années de « résidence surveillée ». Ailleurs, en France, Diderot sera emprisonné à la forteresse de Vincennes et Rousseau, peu après, expulsé de France d’abord, puis de la République de Genève, pour son Émile dont les exemplaires seront brûlés et l’ouvrage interdit. Censure des Eglises ou des Princes : toujours les libres voies explorées par écrivains, savants et philosophes mettraient, selon l’obscurantisme, le « trône et l’autel » en danger et, selon les fanatiques, l’esprit devrait s’incliner devant les vérités de la religion quelle qu’elle soit – et surtout s’en contenter. Luther s’écria que la raison est « la putain du diable » et selon la plupart des théologiens le désir de connaître serait suspect de péché d’orgueil.

Selon Kant, les lumières se définissent par la capacité des individus comme des peuples à se conduire en majeurs, et non en éternels mineurs qui auraient besoin de guides.
Or, qu’est ce que la majorité ? « Sapere aude » ! Ose penser par toi-même – telle est sa maxime. 
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Sapere aude ! 

Il y a là une formule suffisante s’il s’agit, défensivement, de marquer la nécessité de l’indépendance à l’égard des autorités théologico-politiques. Lorsque Kant explicitera de façon non polémique ce que signifie « penser par soi-même » (en particulier dans La Critique de la faculté de Juger), il précisera que c’est « penser pour ainsi dire en commun avec d’autres auxquels nous communiquons nos pensées et qui nous communiquent les leurs ».

2L’aptitude à faire mienne la pensée d’autrui pour l’examiner comme si elle était mienne, Kant la nomme « pensée élargie » et on voit bien, semble-t-il, que, sans cet élargissement à des vues autres que celles que nous avons déjà, sans cette communicabilité, nous serions fermés à toute instruction, à toute éducation pour ne faire que ruminer notre propre narcissisme.

En tant que Kant est un défenseur d’une éducation en vue de la liberté, en tant qu’il défend ardemment la rationalité contre les prétentions des « gourous » et des « illuminés » (il démolit la prétendue théorie des esprits, esprits immatériels avec lesquels Swedenborg affirme entrer en communication), on a fort envie de classer Kant à l’intérieur de l’Aufklärung.

1« qu’est ce que les lumières ? la sortie de l’homme de sa minorité, dont il est lui-même responsable…. puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. » in réponse à la question : qu’est ce que « les lumières » ? (déc. 1784), trad. s. piobetta, op. cit. p. 83
2 Argument qui conduit Alexis Philonenko à voir en Kant le philosophe d’un « cogito plural ».

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La  question «Qu’est-ce que les Lumières?»  (1784)

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Atelier Philo – « Osons nous encore penser  » !

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S’il s’agit de défendre les Lumières contre toute forme d’obscurantisme, si la « liberté de parler et d’écrire » est menacée de censure religieuse ou politique, alors oui, Kant est aux côtés des Lumières.
et le rappel des règles.

Atelier Philo

Nous sommes heureux de vous annoncer le premier des Ateliers Philo du Musée Jean-Jacques Rousseau pour l’année 2022.

Celui-ci se tiendra sur le thème : 

« Osons nous encore penser ? » 

Le samedi 19 Février  2022 de 14h30 à 16h30

Rendez Vous au Musée 

Venez échanger et débattre autour de ce thème philosophique majeur qui vous orientera sur la connaissance de soi.

Ce sera l’occasion d’évoquer les écrits de grands philosophes du 18ème siècle à la lumière de de notre actualité.

« Sapere aude » Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! »

Nous allons faire rencontrer Kant , auteur de cette citation paru dans son essai « Qu’est ce que les lumières ? , paru en 1784 et Jean Jacques Rousseau.  

Dans l’attente de vous rencontrer 

La Société Internationale des Amis du Musée Jean-Jacques Rousseau (SIAM-JJR) est partenaire,

C’est gratuit, sur réservation,  … Pour les membres de l’Association SIAM JJR, il reste quelques places disponibles. 

Je compte sur votre participation, et dans l’attente de vous rencontrer , 

Christian DIDIER SIAM JJR – Président 

Un rappel des règles :

Un atelier philo, ce n’est pas un cours de philosophie. L’animateur d’atelier philosophique n’est pas là pour transmettre un savoir (la très grande majorité d’entre eux ne sont pas professeurs de philosophie) mais pour permettre aux participants d’exprimer leur pensée et de débattre entre eux dans un cadre démocratique.

Concrètement, l’animateur explique au préalable l’objectif, le fonctionnement et les règles fondamentales d’un atelier philo (écouter les autres, ne pas juger ou se moquer, argumenter etc.) et lance un débat à partir d’une question philosophique. Cette question peut aussi émerger à partir de la lecture préalable d’un texte, du visionnage d’un film, de l’observation d’une affiche etc. 

Les participants sont, dans la mesure du possible, disposés en cercle, et l’animateur, qui est inclus dans le cercle, distribue la parole en veillant à ce que toutes et tous, qui le souhaitent, puissent parler. Il peut lui arriver de reformuler certains propos, synthétiser certains échanges, mais à aucun moment il ne donne son opinion personnelle. Il est là pour permettre aux participants d’exprimer le plus librement possible leur pensée, recevoir celle des autres et favoriser un débat respectueux et constructifs entre eux. 

Dans le cadre des ateliers Philo, la discussion à visée philosophique est précédée par une courte pratique de l’attention et on insiste particulièrement sur la relation bienveillante entre l’animateur et les participants.

La Société Internationale des Amis du Musée Jean-Jacques Rousseau (SIAM-JJR) est partenaire,

 

 

 

 

Violence Politique

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La transition  ….. la  Révolution française

La politique devient, à partir de la fin du XVIIIe siècle, l’art de gouverner les émotions et, en premier lieu, la peur.

À la fin du XXe siècle, beaucoup d’historiens ont renoncé à expliquer la radicalisation politique qui touche la France entre 1789 et 1794 par l’existence d’une « idéologie révolutionnaire », notion dont le caractère artificiel et polémique renvoyait à une période de guerre froide historiographique désormais révolue. Se détournant de la seule analyse des discours et des idées politiques, ils se sont tournés vers les pratiques et les expériences, tout particulièrement vers la violence. De celle-ci, ils ont surtout retenu la dimension collective. Objet privilégié de la réflexion en sciences humaines en raison d’une longue tradition de recherche sur les génocides et massacres de masse des guerres mondiales, réactualisé par les événements de l’ex-Yougoslavie (1991-2001) et du Rwanda (1994)1, le massacre est dès lors devenu un objet central de l’historiographie de la fin du XVIIIe siècle, confortant l’idée selon laquelle cette période se traduit par une aggravation sans précédent des atrocités civiles et militaires. Le plus souvent, révolution et violence sont ainsi de nouveau systématiquement associées. Les travaux qui discutent cette thèse sont pourtant nombreux et ne proviennent pas d’idéologues de la tradition jacobine. Sans nier la brutalité des carnages, ils soulignent combien ce lien ne peut résumer la période2. Plutôt que de continuer à réifier « la violence révolutionnaire » comme le produit d’une idéologie spécifique, il semble en effet plus pertinent d’étudier « les violences » de la Révolution dans leur diversité, selon leurs contextes temporels, spatiaux et sociaux, pour mieux comprendre leurs fondements, ainsi que leur rôle dans les événements politiques3.  Cette mise en contexte implique de revenir sur les définitions habituellement utilisées pour étudier « la violence ». La focalisation sur les actes collectivement perpétrés pour blesser ou tuer les individus révèle ses limites. La période révolutionnaire française est en effet marquée par de très nombreux types d’atteintes aux personnes et aux biens qui débordent ce seul phénomène. Souvent minorées, figées comme de simples invariants culturels ou amalgamées à d’autres types de pratiques, ces formes spécifiques de violence, à la fois réelles et symboliques, ne peuvent pourtant être écartées au prétexte qu’elles semblent moins atroces, qu’elles ne visent pas toujours des personnes et que leurs effets sont souvent difficiles à mesurer. C’est la thèse de cet article : un grand nombre de gestes et sans lien apparent entre eux puisent dans le répertoire connu de la rébellion de l’époque moderne voire médiévale et fondent les pratiques de la violence politique des siècles suivants : une violence dont la visée est de plus en plus immatérielle, mais qui est également ressentie comme de plus en plus dévastatrice.

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Pendant la Révolution française, beaucoup de violences visent des emblèmes politiques, humains ou non humains. Constamment amalgamés au vandalisme, au pillage délictueux ou à l’assassinat, ces gestes ne se limitent pourtant ni à détruire ni à éliminer, mais expriment un message et provoquent des réactions émotionnelles qui pèsent de plus en plus sur les décisions politiques ou déclenchent l’action directe, participant ainsi à construire l’«opinion publique», artefact aux contours incertains, comme instance centrale de la transition démocratique. Ainsi défini, l’« attentat » se distingue clairement de l’« iconoclasme », du « massacre », mais aussi de l’« assassinat » et de la « vengeance ».

Et pourtant, malgré son omniprésence, l’attentat reste une catégorie invisible de l’action politique révolutionnaire. Au-delà de leur apparence hétéroclite, la prise et la destruction de la Bastille, les incendies des châteaux, l’arasement des maisons des rebelles, des tours, des donjons et des clochers, les décapitations des statues des rois et des saints, les pillages, l’exécution de Louis XVI et les meurtres des porte-parole et héros populaires, méritent d’être étudiés ensemble, parce qu’ils relèvent du même procédé : faire peur et provoquer une réaction non maîtrisée. Tous ces actes, ici réunis dans un corpus hétéroclite, ne réunissent certes pas toujours toutes les conditions pour être entièrement définis comme des attentats politiques. Pourtant, ils revêtent tous au minimum une dimension «attentatoire» qui les distingue d’autres formes de violence. Souvent insaisissable, difficile à délimiter, la catégorie d’« attentat » sera donc plus globalement l’occasion de réfléchir sur les mutations des pratiques de violence politique, et tout particulièrement sur les conditions historiques d’émergence du «terrorisme», qui marque de son empreinte la période contemporaine et qui, pourtant, fait encore l’objet d’interprétations très contradictoires dans les divers champs des sciences humaines.

Après avoir montré que les attentats, apparaissant dans un nouveau contexte historique, doivent leur émergence à la rapide et profonde transition politique de la fin du XVIIIe siècle, on tentera de distinguer leur spécificité au sein des multiples pratiques de violence de la période, ainsi que leur rôle dans le processus révolutionnaire.

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Le Mal Social

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Résumé: L‘œuvre de Rousseau est à la fois et indissociablement une anthropologie, une morale et une politique. Son anthropologie, fondée sur la description de l’homme « à l’état naturel », fait comprendre que c’est l’état de société qui est à l’origine du mal sur la terre. 

Politique de la pitié chez Rousseau 

L’œuvre de Rousseau est à la fois et indissociablement une anthropologie, une morale et une politique. Son anthropologie, fondée sur la description de l’homme « à l’état naturel », fait comprendre que c’est l’état de société qui est à l’origine du mal sur la terre. Pour Rousseau, le mal social se présente quotidiennement à nos yeux sous les espèces de la misère, de la violence et de l’oppression. Son anthropologie est pour le moins désespérante : depuis la nuit des temps, quelques puissants, à l’abri des lois, exploitent l’immense majorité sans défense. Pourtant l’œuvre de Rousseau ne se borne pas à une simple dénonciation, si brillante soit-elle, de la réalité sociale. Et c’est précisément ce qui en fait tout son intérêt. Comme le démontrent sa politique et sa morale, le règne universel de l’injustice n’est pas une fatalité. Car si Rousseau refuse d’admettre une quelconque « nature humaine » pouvant éventuellement fonder en raison une communauté d’hommes, c’est pour se donner les moyens de penser une communauté politique affective fondée sur un sentiment naturel : la pitié. 

Le constat de l’injustice sociale : « La violence des hommes puissants et l’oppression des faibles » 

Dans la préface du Discours sur l’inégalité, Rousseau constate qu’« en considérant la société humaine d’un regard tranquille et désintéressé, elle ne semble montrer d’abord que la violence des hommes riches et l’oppression des faibles. ». La deuxième partie du Discours s’attache ainsi à faire la genèse d’un tel état de fait. Dès ses premières œuvres, Rousseau se présente comme le penseur et le dénonciateur de l’injustice sociale et de ses crimes. Son réquisitoire est acerbe et virulent: l’état de société, glorifié par tous ses contemporains, n’est que l’oppression institutionnalisée des faibles, au profit exclusif des riches et des puissants de ce monde. 

La défense des faibles et des opprimés 

Rousseau défend le parti des opprimés d’une façon encore inouïe. La société ne présente à l’observateur attentif que désordre et confusion. Ici, l’admirable harmonie de la nature s’est évanouie. Aussi, Rousseau peut-il se présenter comme celui qui a vu le mal et qui doit soulever ce voile social d’hypocrisie et d’horreur légitimant l’injustice.

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