Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature. Voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l’ai été, bon, généreux, sublime, quand je l’ai été : j’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même.»
Qu’est-ce qui peut pousser un homme et un philosophe à écrire ses confessions, et à qui les adresse-t-il? Pour s’expliquer devant ses semblables ?
Rousseau aura toujours préféré se réfugier dans sa superbe solitude.
Pour dire à Dieu toute la vérité de son être ? Rousseau n’aurait en ce cas pas écrit ni encore moins publié ce texte. Sous l’effet d’un pur amour-propre ?
Devant la vanité de la gloire, Rousseau aura toujours placé l’amour de soi.
Percer le mystère de ce philosophe qui n’a pas su être sage reviendra donc à trouver la destination véritable de son amour.
« Vitam impendere vero »
Avide d’un respect viscéral du principe de vérité, nous ne pouvons pas imaginer aujourd’hui que Jean Jacques Rousseau soit passé à côté du récit vrai de sa vie sans nous avoir « confessé » ses pensées et actes qu’ils soient vils ou généreux. Face à la cohorte de « ces Messieurs », les Grimm, Voltaire, d’Epinay, Holbach, et j’en passe, personne d’autre que lui ne pouvait décrire au Lecteur, la personne la plus importante qui soit, ce que fut son chemin de croix. De plus, au titre d’un seul exemple, les sottes réactions (les rumeurs les plus invraisemblables sur sa mort) à la suite de l’accident du chien, le 24 octobre 1776 à Ménilmontant, l’ont délibérément incité à tirer les enseignements pour que son Lecteur sache « à l’intérieur et sous la peau » ce que fut l’homme. De surcroît, il exigea une autopsie après sa mort, certes pour que les scientifiques déterminent de quelle (s) maladie (s) il avait pu souffrir, mais surtout à mon sens pour que la vérité soit parfaite et que la transparence totale soit, jusqu’à ce point ultime, respectée.
Quant à Rousseau, Philosophe amoureux, après ce qu’il a écrit sur la distinction entre l’amour et l’amitié, il convient de ne point s’étonner qu’il ait été adepte « des amours galantes » sans réciprocité plutôt que d’une ou plusieurs amitiés décevantes. Il aurait tant aimé cheminer dans toute l’Italie avec son ami jumeau de l’époque, Diderot qui lui avait pourtant promis de l’accompagner mais ne lui en a jamais reparlé. Le lecteur comprend alors aisément combien cette seule expérience ait pu amener l’écrivain à emprunter tout simplement la sente de la solitude.