Le 8 Septembre 1756, suite à la lapidation de sa maison, Jean-Jacques Rousseau quitte Môtiers. Après une nuit à Neuchâtel, il s’installe à l’Ile Saint-Pierre sur le Lac de Bienne.
Il y restera moins de deux mois puisque le 26 octobre « ces messieurs de Berne» le contraignent à quitter le refuge qu’il s’était choisi.
Son séjour a été très court, mais l’écrivain l’a inscrit dans l’éternité à deux reprises : dans les magnifiques pages du livre 7 des Confessions et surtout avec l’exceptionnelle 5ème Promenade des Rêveries.
Hélas, dans les manuels scolaires, seuls un ou deux extraits, toujours les mêmes, sont donnés à lire.
En mutilant le texte, on manque le déploiement de l’expérience métaphysique de l’existence qui est l’essence de cette Promenade. Le lycéen retiendra une vague tonalité élégiaque annonçant le romantisme, la poésie lyrique, Proust, ….au détriment du véritable motif, l’éprouvé de la vie.
Dans une pensée de l’intériorité pure, la 5ème Promenade développe en effet une expérience du « sentiment de l’existence » qui aboutit à la rêverie non figurative de la rive où « ce n’est pas moi qui me sens exister, c’est le rythme de l’être qui advient en moi comme sentiment d’exister » (Louis Marin).
« Le flux et le reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. »
Si l’on a la chance de passer un moment à l’île Saint-Pierre, notre recommandation est de lire, d’un seul trait, ces pages éblouissantes.
Puis de partir à la découverte de cette « île au bout du monde » (pour reprendre une formule de Michel Butor) préservée du bruit des voitures et de la foule, avec pour seul écho de la civilisation le murmure de la ligne ferroviaire du continent.
Ainsi naîtra l’illusion de se retrouver soi-même promeneur solitaire à l’égal de Rousseau. Une différence cependant : l’ile Saint-Pierre n’en est plus une, car depuis l’abaissement du niveau du lac sur environ 2 mètres au 19ème siècle, on peut la rejoindre à pieds depuis Erlach et elle communique avec sa voisine, « l’île des lapins ».
Dans l’hôtel du Cloître, lieu de résidence du philosophe, la chambre qui fut celle de Jean-Jacques Rousseau est aujourd’hui un musée.
Source Clarens
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.